Titre : « Vers de nouvelles formes organisationnelles de l’activité scientifique ? Analyse des médiations, stratégies et ressentis d’acteurs impliqués dans le co-design de solutions pour l’accompagnement de personnes vivant avec la maladie de Parkinson ».
Résumé :
La formation des institutions scientifiques et de santé, au cours des derniers siècles, s’est
appuyée sur des ambitions, des logiques, des régimes de savoirs pour définir les règles selon
lesquelles la vérité peut être admise et rattachée à des effets spécifiques de pouvoir (Foucault,
2004). Or, dans la cité par projets telle que définie par Boltanski et Chiapello (1999), les
expertises scientifiques et citoyennes sont de plus en plus amenées à collaborer au sein
d’instances dites démocratiques et participatives pour faire face à la complexité des problèmes
associés au progrès, à la technicisation et au désenchantement du monde (Weber, 2002).
Les recherches participatives comme « instrument » (Le Galès & Lascoumes, 2005), stratégie
d’implémentation sociale (Maestrutti, 2016), « registre de légitimation politique » (Blondiaux,
2008) et /ou forme organisationnelle émergente (Le Moënne, 2013) peuvent favoriser
l’acceptation et l’adoption du projet d’informatisation et de numérisation de la société
occidentale. Des dispositifs numériques de suivi et d’accompagnement de personnes vivant
avec une maladie chronique sont développés tels que des capteurs embarqués, applications
mobiles, dispositifs de télé-médecine, etc. (Carré & Lacroix, 2001).
Cependant, le processus d’agencement de nouvelles formes d’activités de recherche génère des
tensions et des réajustements entre ordres hérités et ordres souhaités (Le Moënne, 2013), entre
pilotage, ambitions et modalités de financement de la recherche et entre pratiques scientifiques
participatives émergentes. Dans le cadre de notre recherche doctorale, nous portons notre
attention aux médiations, à la réflexivité et au sens donné par les acteurs francophones
participant à une étude internationale dans le domaine de la santé : le projet MND-Care1.
Cette étude vise la co-conception d’un réseau de soins intégrés adapté aux écosystèmes des
personnes vivant avec la maladie de Parkinson et pensé selon leurs besoins et attentes en termes
d’accompagnement médico-social. Patients, aidants et professionnels de santé sont impliqués
dans la création de solutions technologiques et organisationnelles adaptées à leurs besoins
1 Le nom officiel du projet a été pseudo-anonymisé pour tenter de préserver les identités des
personnes enquêtées dans le cadre de cette recherche doctorale.
réciproques, dans un espace propice au dialogue, et invités à les matérialiser autour de la
création d’artefacts (Grosjean, Bonneville & Redpath, 2019).
Dans ce contexte, nous nous intéressons ainsi à la manière dont des personnes identifient et
portent une réflexion sur les activités entreprises et les divers évènements constitutifs d’un
projet de recherche, leur permettant de construire du sens en situation, dépendant de leurs
modalités d’implication et d’engagement dans les situations rencontrées (Bonfils, 2014).
Il s’agit plus précisément d’appréhender les processus et mécanismes par lesquels des activités
de recherche sont conçues, coordonnées, proposées, médiées, (in)appropriées et structurées par
des systèmes d’informations, de signes et de pensées dans une étude en co-design. Ces éléments
pluriels nous permettent d’aborder la façon dont les acteurs réfléchissent et agissent pour donner
forme au projet de recherche MND-Care.
Une méthode qualitative, longitudinale et « hypothético-inductive » d’inspiration
ethnographique, ethnométhodologique et pragmatique a été mise en œuvre au cours de notre
recherche doctorale pour analyser les flux communicationnels et les modalités de participation
(faible, modérée, effective), d’implication (souhaitée, altruiste, imposée) et d’engagement
(volontaire, symbolique, indirect) des acteurs francophones (neurologues, chercheurs en
sciences de l’information et de la communication, cheffe de projet clinique, coordinatrice d’un
centre d’excellence en neurologie, juristes, gestionnaire de projets européens et personnes
vivant avec la maladie de Parkinson) dans l’étude en co-design.
La création de connaissances organisationnelles mutualisées et mobilisées par les acteurs pour
donner sens à leurs actions (Gardiès, 2012) permet ici la stabilisation, le maintien et
l’appropriation d’une forme organisationnelle émergente dans le temps. Les logiques et
stratégies d’inclusion, d’évitement, d’exclusion et d’hybridation de savoirs/pouvoirs participent
à la redéfinition des rôles, des postures, des relations et des responsabilités des acteurs dans un
réseau de soins intégrés. Une approche communicationnelle des émotions permet également
d’éclairer les processus de production de signes au cœur des systèmes de coordination,
d’échanges et de négociations des acteurs dans les organisations (Dumas & Martin-Juchat,
2016). Le rôle du sensible dans la construction symbolique de sens donné aux pratiques
collectives et scientifiques est ici central et se manifeste sous différentes formes (enthousiasme,
espoir, désenchantement, ironie, frustration, honte, bouleversement, etc.).
Jury :
M. Philippe BONFILS, Rapporteur, Université de Toulon
Mme Elizabeth BOUGEOIS, Directrice de thèse, Université de Toulouse
M. Laurent COLLET, Directeur de thèse, Université de Montpellier
M. Olivier GALIBERT, Rapporteur, Université de Bourgogne
Mme Sylvie GROSJEAN, Examinatrice, Université d’Ottawa
Mme Fabienne MARTIN-JUCHAT, Examinatrice, Université Grenoble Alpes